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L’Attrape-cœurs est l’un des romans sur le passage à l’âge adulte les plus lus de tous les temps. Écrit par Jerome David Salinger, originaire de New York, il a été publié pour la première fois en 1951 et s’est vendu depuis à plus de 65 millions d’exemplaires dans le monde.
Dans cette critique originale de la superficialité et de l’hypocrisie du monde des adultes, l’auteur suit les aventures de Holden Caulfield, 16 ans, pendant trois jours à Noël, plongeant les lecteurs dans le langage, les pensées et les sentiments d’un adolescent troublé au bord de la dépression.
L’Attrape-cœurs a fait de J.D. Salinger une superstar de la littérature… mais sans le vouloir. Dans les années qui ont suivi sa parution, l’auteur s’est de plus en plus reclus, quittant Manhattan pour s’installer dans une petite ville du New Hampshire afin d’échapper aux feux de la rampe. Salinger était également connu pour être pointilleux et il imposait des diktats stricts sur la manière dont son livre pouvait être présenté. Bien qu’il ait été courtisé par Hollywood, il n’a jamais autorisé une adaptation sur grand écran. Il a également interdit que le visage de Holden Caulfield, ou quoi que ce soit d’autre, apparaisse sur la couverture des éditions ultérieures. Mais tous les éditeurs ont-ils respecté ses souhaits ?
Aujourd’hui, nous revenons sur l’histoire de l’édition de L’attrape-cœurs et sur le processus de design de la couverture, souvent délicat.
La couverture de la première édition avec le cheval carrousel
La couverture de la première édition de L’Attrape-cœurs, publiée aux États-Unis le 16 juillet 1951 par Little, Brown and Company, représente un cheval de manège entièrement rouge avec, à l’arrière-plan, le contour d’une ville en blanc cassé.
Probablement la plus célèbre de toutes, elle a été conçue par un ami de confiance de Salinger, l’artiste canadien E. Michael Mitchell.
La couverture illustre un passage de la fin du livre, lorsque la petite sœur de Holden fait un tour de manège à Central Park. À la fin de la scène, Holden décide de ne pas la rejoindre, acceptant ainsi la mort de sa propre enfance. Certains ont affirmé que la couleur rouge sang de la couverture servait à souligner ce choix.
Nous ne savons pas ce que J.D. Salinger pensait de cette couverture. Mais ce que nous savons, c’est qu’il l’a certainement approuvée. L’écrivain était notoirement opposé à l’utilisation d’illustrations dans ses livres, de peur d’influencer le lecteur.
Les couvertures que Salinger détestait : Holden au premier plan
Salinger ne supportait pas les couvertures qui montraient le physique de Holden Caulfield sur la couverture, en particulier son visage.
Caulfield n’est qu’esquissé par Salinger comme un grand garçon de 16 ans, très mince, avec une particularité : il a déjà beaucoup de cheveux gris, malgré son âge. La première image de Holden est apparue sur la couverture de la première édition de poche publiée par Signet en 1953. L’illustration a été réalisée par James Avati, qui a décrit les problèmes qu’il a eus avec l’auteur, qui ne voulait pas que le visage du personnage principal apparaisse sur la couverture.
C’est pourquoi on ne voit Holden Caulfield que de dos dans ces versions, ainsi que dans l’édition britannique publiée par Hamish Hamilton. Malgré cela, Salinger n’a jamais aimé ces versions. Il aurait déclaré qu’il aurait été bien plus heureux si le livre n’avait pas eu de couverture illustrée. En fait, il aurait préféré que le livre soit imprimé et distribué en cyclostyle. À tel point que – selon la légende – dans les années cinquante, l’écrivain a ajouté une clause spécifique concernant les couvertures à ses contrats d’édition : elles ne pouvaient comporter que le titre et le nom de l’auteur. Pas d’images, pas de citations, pas de biographie !
La couverture arc-en-ciel de J.D. Salinger
Mécontent des couvertures de L’Attrape-cœurs réalisées par d’autres, Salinger décide finalement de créer la sienne. Il a donc réalisé un croquis et l’a envoyé à son éditeur avec des notes très précises.
Ce dessin simple mais mystérieux a été utilisé pour la première fois en 1991, offrant enfin à Salinger la couverture qu’il souhaitait.
Nouvelles couvertures typographiques pour L’attrape-cœurs
Avec un client aussi difficile que J.D. Salinger, il n’a pas dû être facile pour les éditeurs de redessiner les couvertures de L’attrape-cœurs au fil des ans. Pauvre dessinateur qui a dû travailler sur de tels projets !
Quatre couvertures de livres de J.D. Salinger, dont L’Attrape-cœurs, redessinées par Penguin en 2010. Images : theguardian.com
C’est ce que confirme le calligraphe et influenceur Seb Lester qui, en 2009, a été chargé par Penguin de redessiner les couvertures des quatre romans de J.D. Salinger publiés par la maison d’édition. Dans ce post, Lester décrit comment il s’est senti investi d’une lourde responsabilité dans cette tâche, surtout quand on connaît la personnalité particulière de l’auteur, qui était encore en vie à l’époque et venait de fêter ses 90 ans.
Lester se souvient que Salinger ne communiquait ses instructions pour la couverture que par l’intermédiaire de son avocat. C’est ainsi que, la veille de sa mort, le 27 janvier 2010, Lester et les éditeurs Penguin ont reçu la décision finale de Salinger concernant les modifications à apporter à la couverture !
Penguin a soigneusement suivi les instructions de l’auteur pour les couvertures de L’Attrape-cœurs. Et c’est encore le cas aujourd’hui, 15 ans après sa mort. Les couvertures sont uniquement typographiques, dépourvues d’images, de citations et d’autres fioritures si dédaignées par Salinger.
L’Attrape-cœurs : couvertures du monde entier
Malheureusement pour l’auteur – mais peut-être heureusement pour les lecteurs – même quelqu’un d’aussi déterminé que Salinger ne pouvait pas contrôler les ambitions créatives de tous les éditeurs de la planète. C’est pourquoi, lorsque nous examinons les couvertures internationales de L’attrape-cœurs, nous constatons un tel éclectisme dans les approches de design : illustration, portrait, art minimaliste et typographie seule. Voici quelques-unes des meilleures.
Éditions espagnole et italienne de L’attrape-cœurs avec des couvertures contrastées.
Cette édition hongroise montre Holden Caulfield de dos. Elle a été publiée en 1974.
Deux autres couvertures qui montrent plus clairement le visage de Holden. À gauche : une édition bulgare ; à droite : une édition birmane.
Salinger les aurait détestées, mais nous adorons les portraits de Holden sur ces deux splendides couvertures : la première est pour une édition arabe, la seconde pour une édition farsi.
Certaines éditions européennes ont été plus respectueuses des souhaits de l’auteur. Les couvertures ci-dessous sont respectivement française et allemande : l’une est quelque peu abstraite, l’autre ne comporte que des caractères.
Cette couverture de l’une des versions japonaises les plus vendues deL’Attrape-cœurs présente un dessin étrange d’un visage au bas de la page.
Pour conclure, voici une somptueuse couverture typographique pour l’édition chinoise de L’Attrape-cœurs qui sortira en 2019 pour célébrer le centenaire de la naissance de J. D. Salinger.
Quelle est la couverture de votre exemplaire de L’attrape-cœurs ? Laquelle vous parle le plus ? Et comment concevriez-vous une couverture pour ce livre ?