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Très peu de périodiques européens incarnent véritablement le concept de journalisme d’investigation : prendre sans crainte des positions inconfortables, tout risquer et ne pas se plier aux forces du marché, tout en vendant des milliers d’exemplaires.
Cependant, le magazine allemand Der Spiegel est réputé en Allemagne pour son rôle de premier plan dans de nombreux scoops, et dans toute l’Europe pour avoir été l’un des titres indépendants qui ont ouvert la boîte de Pandore de Wikileaks. Les répercussions de cet événement sont encore très présentes dans le monde, tant sur le plan politique que social : alors que l’on oublie généralement vite, certaines enquêtes marquent les esprits et s’immiscent dans notre quotidien.
Der Spiegel (qui se traduit par « Le Miroir ») a été fondé à Hambourg en 1947, dans une Allemagne divisée et ravagée par la guerre. Son importance n’a cessé de croître au fil des ans et il a atteint un premier sommet de popularité et d’autorité en 1962, lorsque l’« affaire Spiegel » a cimenté la réputation du magazine en tant que défenseur de la liberté de la presse (nous laisserons aux lecteurs le soin d’effectuer leurs propres recherches en ligne sur ce sujet s’ils le souhaitent).
Avec un tirage moyen de 700 000 exemplaires en 2023, c’est aussi l’un des premiers journaux européens en termes de ventes, soutenu par un site web qui reçoit près d’un million de visiteurs par jour. Le lectorat de Der Spiegel est très éduqué et politiquement actif, avec une moyenne d’âge comprise entre 35 et 55 ans, et cette cible influe directement sur les choix de contenu et de design graphique du magazine.
Au moins 500 journalistes travaillent pour Der Spiegel, l’une des sources de journalisme d’investigation les plus détaillées et les plus fiables du monde occidental, dans ses salles de rédaction en Allemagne et dans plus de 20 bureaux à travers le monde. Ses archives médiatiques comptent parmi les plus complètes au monde et la majorité des nouvelles images des 20 dernières années ont été placées dans des archives numériques, de sorte que les éditeurs de photos peuvent facilement y accéder et les ajouter aux mises en page.
Modernité et tradition
Der Spiegel n’est certainement pas le journal le plus innovant en termes de graphisme et de typographie, mais, comme nous le verrons, il a réussi à rester dans l’air du temps, avec un design efficace et de bon goût.
Le magazine a un format A4 agrafé classique, qui n’est pas typiquement associé aux revues de fond ; il a été choisi principalement pour faciliter la lecture et pour créer un pont entre le monde du journalisme d’investigation et celui des revues plus pointues. D’une certaine manière, le format A4 n’est pas le plus pratique, car il a tendance à se tordre, mais il offre suffisamment d’espace pour présenter le contenu et conserve l’aspect d’un magazine traditionnel ; en général, les magazines politiques ou économiques spécialisés ont un format plus proche de celui d’un livre (comme la revue italienne Limes, par exemple).
Les sections intérieures sont clairement séparées et reconnaissables, avec des titres en gras, des couleurs distinctives et des pages d’introduction qui servent de porte d’entrée au contenu. Dans d’autres magazines, même les lecteurs attentifs ont du mal à distinguer la fin d’une section et le début de la suivante.
Der Spiegel a été revu en 2021, dans le cadre d’un processus qui a amélioré le design graphique du magazine sans trop le révolutionner, en se concentrant sur la lisibilité, l’impact et la simplicité.
Comme l’explique Judith Mohr, directrice de la création, « Nous avons été guidés par deux questions : jusqu’où peut aller le design d’un magazine qui se définit par son contenu ? Et que doit faire un magazine imprimé à une époque où de nombreuses personnes obtiennent leurs informations au format numérique ? Au lieu de tout refaire, nous avons opté pour un processus de modernisation qui a permis d’améliorer beaucoup de choses ».
Des couvertures percutantes et provocantes
Une des forces du magazine, et une caractéristique qui lui assure un niveau élevé de reconnaissance par le public, sont ses couvertures provocantes, satiriques et audacieuses, qui ne sont souvent pas très politiquement correctes. Les grandes images sont encadrées par un fond rouge épais, rappelant d’une certaine manière la couleur et la mise en page du magazine Time, mais plus fort, affichant une sorte de musculature décisive qui symbolise la bravoure et la détermination du journal. Ces deux caractéristiques sont au cœur du journalisme de Der Spiegel, qui repose sur le courage, la détermination, la recherche, la documentation et l’indépendance.
Comme le montre l’image ci-dessous, le logo de la publication a été redessiné à plusieurs reprises, même si la police de caractères blanche et audacieuse qui se détache efficacement sur un fond rouge est restée largement inchangée depuis longtemps.
Un graphisme simple et bien organisé
Les pages intérieures sont conçues de manière simple et systématique. Elles sont disposées sur trois colonnes (ou quatre lorsque des notes sont utilisées), avec des images qui occupent beaucoup d’espace sur la page. Le magazine utilise Linotype Rotation, une police égyptienne grasse à empattement, pour ses titres depuis 1997, rappelant la police utilisée dans le logo et remplaçant la Franklin Gothic utilisée précédemment. Pour les textes, le magazine a décidé d’utiliser une police classique, Times New Roman, conçue spécialement pour les quotidiens. Dans les années 2000, plus aucun magazine ne l’utilisait, et cela semblait un moyen idéal pour Der Spiegel de souligner l’importance qu’il accordait au contenu.
Le nouveau design visait à faciliter l’utilisation du magazine en format numérique et à offrir un environnement de lecture similaire sur le site web et sur papier.
La mise en page graphique du magazine a été à nouveau repensée en 2021. Cette refonte a permis d’améliorer l’expérience de lecture, mais n’a pas touché aux couleurs, aux polices de caractères et à l’aspect général du magazine. Le graphisme avait été mis à jour au milieu des années 1990, lors de la création du site web, tandis que le système de polices de caractères a été développé au fil du temps, grâce à un dialogue permanent avec les dessinateurs de caractères, qui ont créé différentes versions pour la revue.
En ce qui concerne la mise en page, l’utilisation généralisée de lignes pour séparer et souligner le texte incarne l’approche simple et sans fioritures du magazine, qui plonge directement dans l’actualité sans se perdre dans la décoration ou l’embellissement. Ce design graphique épuré se reflète également dans les infographies, qui sont toujours au service du contenu et ne sont jamais ajoutées pour le plaisir. De même, les photographies doivent toujours aider le lecteur à comprendre et à approfondir les sujets traités. Des cartes géopolitiques, des graphiques économiques et des chronologies historiques sont utilisés pour étayer les articles avec des données, afin de les rendre accessibles même aux lecteurs les moins informés.
Simple and well-organised graphics
The inside pages have a simple and systematic design. They are laid out in three columns (or four when notes are used), with images that take up a lot of space on the page. The magazine has used Linotype Rotation, a bold Egyptian serif font, for its headlines since 1997, recalling the font used in the logo and replacing the Franklin Gothic used previously. For the texts, meanwhile, the magazine decided to use a classic font, Times New Roman, designed specifically for use in daily newspapers. By the 2000s no magazines were using it any more, and it seemed a perfect way for Der Spiegel to highlight the importance it placed in the content.
The new design sought to make the magazine easier to use in digital format, and to offer a similar reading environment on the website and on paper.
The magazine’s graphic layout was then redesigned again in 2021. This makeover improved the reading experience, but left the colours, fonts and general appearance untouched. The graphics had previously been updated in the mid-1990s, when the website was built, while the font system was developed over time, through ongoing dialogue with type designers, who created various versions for the publication.
As for the layout, the widespread use of lines to separate and underline the text epitomises the magazine’s simple, no-frills approach, which dives straight into the news without getting lost in decoration or embellishment.This streamlined graphic design is also reflected in the infographics, which always serve the content, and are never added just for the sake of it. Similarly, the photographs always have to help readers understand and deepen their knowledge of the subjects covered. Geopolitical maps, economic charts and historical timelines are used to back up the articles with data, ensuring they are accessible even to less-informed readers.
Diseño simple y bien organizado
Las páginas interiores tienen un diseño sencillo y sistemático. Están dispuestas en tres columnas (o cuatro cuando se utilizan notas) con imágenes que ocupan mucho espacio en la página. La revista ha utilizado Linotype Rotation —una fuente serif egipcia en negrita— para sus titulares desde 1997, recordando la fuente utilizada en el logotipo y reemplazando la Franklin Gothic utilizada anteriormente. Para los textos, por su parte, la revista decidió utilizar una fuente clásica, Times New Roman, diseñada específicamente para su uso en periódicos. En la década de 2000 ya ninguna revista la utilizaba y a Der Spiegel le pareció una manera perfecta de resaltar la importancia que le daba al contenido.
El nuevo diseño buscaba facilitar el uso de la revista en formato digital y ofrecer un entorno de lectura similar en la web y en papel.
El diseño gráfico de la revista se rediseñó nuevamente en 2021. Este cambio de imagen mejoró la experiencia de lectura, pero dejó intactos los colores, las fuentes y la apariencia general. El diseño ya se había actualizado a mediados de los años noventa, cuando se construyó el sitio web, mientras que el sistema tipográfico se fue desarrollando con el tiempo a través del diálogo continuo con los diseñadores tipográficos, quienes crearon varias versiones para la revista.
En cuanto a la maquetación, el uso generalizado de líneas para separar y subrayar el texto personifica el enfoque sencillo y sin florituras de la revista, que se sumerge directamente en la actualidad sin perderse en decoraciones o adornos.
Este diseño gráfico optimizado también se refleja en las infografías, que siempre sirven al contenido y nunca se añaden porque sí. Del mismo modo, las fotografías siempre tienen que ayudar a los lectores a comprender y profundizar su conocimiento de los temas tratados. Se utilizan mapas geopolíticos, gráficos económicos y cronologías históricas para respaldar los artículos con datos, garantizando que sean accesibles incluso para lectores menos informados.
Des illustrations provocantes
Les illustrations, quant à elles, jouent un rôle différent, tant sur la couverture, comme nous l’avons déjà mentionné, qu’à l’intérieur du magazine. Elles sont souvent provocantes et sarcastiques, parfois ludiques et parfois féroces. Elles sont toujours très colorées et optent même parfois pour un style caricatural, ce qui est de plus en plus rare en Europe.
En 2005, le MOK, le musée des arts appliqués de Vienne, a consacré une exposition entière aux illustrations de Der Spiegel. Cet événement a capturé l’esprit du magazine et a mis en valeur tous les grands illustrateurs qui ont été invités à produire des images puissantes et provocantes au fil des ans.
À retenir
Der Spiegel est un magazine rigoureux et important, réputé pour son journalisme d’investigation courageux. Son graphisme est à l’image de sa mission : il est austère, simple et laisse peu de place à la décoration ou à l’innovation. Les illustrations, en revanche, jouent un rôle plus créatif et reflètent un esprit plus ludique et rebelle.
La publication continue de dénoncer sans crainte des scandales et des irrégularités aux conséquences considérables dans le monde de la politique et des affaires, et est l’un des rares grands noms du journalisme d’investigation encore en circulation.
Source de données et d’informations spécifiques : https://www.spiegel.de/international/six-decades-of-quality-journalism-the-history-of-der-spiegel-a-789853.html