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Mondialement connu pour son utilisation révolutionnaire de la photographie, Life a été l’un des magazines américains les plus influents du XXe siècle.
Fondé en 1883, le magazine a connu plusieurs versions avant d’adopter, en 1936, un format hebdomadaire axé sur la photographie. Jusqu’à cette date, le magazine était plus léger et faisait davantage appel aux illustrations, notamment celles du grand Norman Rockwell. En effet, c’est dans ces pages que Rockwell a si brillamment tracé les contours d’une Amérique en pleine mutation. Ses illustrations réalistes ont juste une touche de caricature, ce qui correspond parfaitement au ton humoristique des débuts du magazine Life.
Sous sa nouvelle apparence de magazine d’information hebdomadaire, Life a été le premier à utiliser la photographie documentaire et a contribué à inventer la nouvelle discipline du photojournalisme, qui s’est rapidement répandue dans le monde entier.
La diffusion de Life a atteint son apogée dans les années 1960, avant de décliner lentement et régulièrement face à une concurrence féroce et à l’essor des nouveaux médias. La crise est survenue dans les années 2000, lorsque le titre a cessé d’être publié sur papier pour passer uniquement en ligne.
LA PHOTOGRAPHIE PREND LES DEVANTS
Lorsque l’éditeur Henry Luce acquiert le magazine en 1936, il a une vision claire du rôle qu’il doit jouer auprès du public américain. Il y voyait un moyen : “Voir la vie, voir le monde, être le témoin oculaire de grands événements, observer les visages des pauvres et les gestes des orgueilleux, […] voir et prendre plaisir à voir, voir et être étonné, voir et être instruit”. Life devait documenter le monde moderne par des photographies brutes et réalistes.
Le magazine s’articule autour de photos pleine page accompagnées de brèves légendes : les photographes sont les nouveaux journalistes.
L’éclatement de la deuxième guerre mondiale a connu un succès encore plus grand. Life apporte aux lecteurs des nouvelles et des photographies de tous les fronts, en travaillant avec certains des plus grands photographes de l’époque, notamment Robert Capa, W. Eugene Smith, Henri Cartier-Bresson, Dorothea Lange et Gordon Parks.
LE ROUGE ET LE NOIR POUR DES COUVERTURES MÉMORABLES
Les couvertures des magazines américains du milieu du XXe siècle cherchaient à se démarquer par un design simple mais puissant : des images en pleine page, des titres solides et deux couleurs contrastées, le rouge étant le roi (comme nous l’avons vu avec le magazine Time).
Conçu en 1936, le logo de Life est devenu l’une des marques les plus reconnaissables du secteur de l’édition grâce à sa simplicité : quatre lettres blanches dans une police de caractères sans empattement compacte et linéaire (probablement une création sur mesure) épellent le mot LIFE sur un fond rouge vif. Ce rectangle a été astucieusement placé dans le coin supérieur gauche, là où l’œil commence naturellement à lire un texte.
Cette composition minimaliste indique d’emblée que les images règnent en maître et que les histoires racontées à l’intérieur le seront principalement par des photographies plutôt que par des mots.
Ci-dessous, nous examinons de plus près quelques-uns des nombreux reportages et couvertures que Life a consacrés au fil des ans à la star de toutes les stars, Marylin Monroe.
LA NARRATION VISUELLE
Dans le magazine Life, la photographie joue un nouveau rôle important : au lieu d’être décorative ou descriptive, elle raconte une histoire. Pour ce faire, les images sont souvent présentées en séquences, comme les planches d’une bande dessinée, comme le montrent les doubles pages consacrées à Marylin Monroe.
Dans l’exemple ci-dessous, un reportage sur une journée dans la vie d’Audrey Hepburn, la mise en page presque chaotique crée une impression de dynamisme et de flux narratif à travers les pages.
La narration visuelle de Life place le lecteur au cœur de l’action, qui semble se dérouler sous ses yeux. Et contrairement aux images en mouvement, les images statiques laissent le temps et l’espace aux pensées et aux sentiments d’émerger dans l’esprit des lecteurs, ce qui crée une tension et maintient l’intérêt. La narration dans le journalisme ne sera plus jamais la même.
L’exemple suivant est tiré d’une édition spéciale consacrée à une journée typique d’une famille afro-américaine. L’article nous emmène à l’intérieur de leur maison et nous donne un aperçu de leur réalité quotidienne.
LE DESIGN GRAPHIQUE AU SERVICE DU STORYTELLING
Dans une publication aussi fortement axée sur la narration visuelle, le design graphique doit être discret et logique. Le magazine a utilisé une mise en page simple mais flexible qui permet de déplacer des photos de différents formats à l’intérieur de grilles modulaires.
En ce qui concerne les polices de caractères, la situation est un peu plus floue : en l’absence d’une analyse détaillée du design graphique, nous ne pouvons nous appuyer que sur les quelques images trouvées en ligne.
Le magazine a presque toujours eu recours à l’appariement des polices, c’est-à-dire qu’une police avec empattement est utilisée pour le corps du texte et une police sans empattement pour les titres. Par conséquent, une page pouvait passer de l’Helvetica à, disons, Eurostile qui, à vrai dire, ne convenait pas vraiment au style de la maison, à Goudy, qui donnait du poids aux titres, et à diverses versions de Grotesk, qui faisait écho au logo.
Ces changements apparemment arbitraires sont évidents dans ces pages éditoriales des années 1960 et 1970, une période pendant laquelle la publication a tenté de se situer entre la typographie moderne et la typographie classique, avec des résultats mitigés.
Dans les années 1980, on a tenté de standardiser le logo emblématique de Life en utilisant une police de caractères moderne, Trade Gothic, mais les résultats ont été décevants.
LE MAGAZINE QUI A INVENTÉ LE PHOTOJOURNALISME
Life restera à jamais dans les mémoires pour avoir été le pionnier d’une nouvelle façon de concevoir un magazine, qui utilise les photos pour raconter des histoires plutôt que de simplement les illustrer, renversant ainsi la hiérarchie traditionnelle entre les mots et les images. Dans ses pages, le texte accompagnait les photos, contribuant à étoffer l’histoire et à rapprocher le lecteur du sujet.
D’une certaine manière, cette approche préfigurait le paysage médiatique numérique d’aujourd’hui, dans lequel les images (qu’il s’agisse de photos ou d’illustrations) sont souvent utilisées pour dire rapidement et avec force ce qui nécessiterait un millier de mots. La narration visuelle que l’on retrouve dans les versions digitales des principaux journaux du monde est le descendant direct d’un magazine fondé il y a plus d’un siècle, qui, avec simplicité et audace, a révolutionné la manière de raconter les nouvelles.
Sources des images :
https://humanities.princeton.edu/event/behind-the-iconic-images-in-life-magazine/
https://www.nydailynews.com/2022/11/22/life-magazine-through-the-years-see-the-most-iconic-covers/
https://www.vogue.fr/fashion-culture/article/life-magazine-photographs-for-auction
https://www.picturecorrect.com/the-story-of-life-magazine-built-on-powerful-photography/