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La publicité, si elle ne fait pas vendre, elle ne sert à rien, n’est-ce pas ?
Depuis toujours, la publicité a pour principal objectif de favoriser les ventes. Cela semble couler de source, pourtant cette apparente évidence est loin de faire l’unanimité, car elle ne reflète pas totalement la tâche effectuée par les annonceurs au cours de l’histoire contemporaine. Ainsi, à la question en apparence simpliste « La publicité ne sert-elle vraiment qu’à vendre ? », les différents professionnels continuent à donner des réponses relativement variées. Ce match oppose depuis des décennies les spécialistes du marketing favorables à la vente agressive – « Si elle ne fait pas vendre, alors à quoi bon ? » aux professionnels de la communication et de l’image et une certaine partie des marketeurs, qui ont une idée un peu plus progressiste de l’étendue des possibilités que le langage publicitaire est en mesure de soutenir.
De l’analogique au numérique : le débat se poursuit
Avec l’avènement du numérique, le paysage publicitaire a beaucoup changé. Aujourd’hui, les professionnels de la communication ont à disposition des outils bien plus précis et puissants pour mesurer les répercutions d’un message et suivre les actions du public qui y été exposé. Mais le débat est loin d’être résolu. Il est même au contraire probablement exacerbé, car les nombreuses données peuvent être lues de manière diamétralement opposée en fonction de l’état d’esprit adopté.
D’un côté, on voit émerger la nécessité de créer des contenus toujours plus performants en poursuivant une certaine obsession pour l’arithmétique des algorithmes, qui a tendance à nous faire considérer comme “efficace” un message au fort taux de conversion et capable de générer des clics sur un site d’e-commerce, par exemple.
De l’autre, les données semblent chaque jour étayer une vérité que de nombreux professionnels connaissent depuis longtemps : aujourd’hui plus que jamais, pour assurer sa survie, l’entreprise ne peut pas se considérer exclusivement comme un fournisseur de biens ou de services. Dans un monde hyper-connecté, où même les marques les plus inaccessibles doivent régulièrement dialoguer avec leur public et où les informations relatives à la qualité des matières premières, aux conditions de travail et à l’engagement écologique circulent plus librement, les entreprises sont appelées à jouer un rôle actif dans la société. Elles deviennent des organisations à 360 degrés, conscientes de leurs responsabilités et des conséquences de leurs actions.
De nombreuses études montrent que durant le processus d’achat, la Génération Z, par exemple, prend autant en considération les valeurs de la marque que les caractéristiques de ses produits, et exige de la transparence et un sens du devoir civique. Tout simplement.
Dans ce contexte, la publicité peut alors revêtir différents objectifs :
• Démontrer la conscience de son rôle social
• Communiquer son engagement en faveur d’un enjeu donné
• Partager son adhésion à certaines valeurs
• Affirmer une prise de position claire sur certains événements politiques ou sociaux
• Renforcer, à travers l’affirmation de valeurs, ses liens avec une partie du public
• Réfuter un préjugé relatif à la responsabilité sociale
Il s’agit certes de publicité qui ne sert pas à vendre, mais qui aide néanmoins à “se vendre”, c’est-à-dire à conquérir le public en établissant une certaine proximité avec lui, en renforçant le lien avec sa communauté en ligne, voire en générant de l’empathie et un sens d’appartenance avec ceux qui, un jour peut-être, deviendront des clients, car ils se seront reconnus dans le message transmis. La preuve en exemples.
Le quotidien italien “La Repubblica” : une prise de position claire
L’idée ici n’est pas de décider si l’on adhère ou non aux valeurs portées par “La Repubblica”, mais de noter le choix clair et déterminé de ce célèbre journal d’affirmer des valeurs opposées à celles de la scène politique italienne actuelle ; un choix rare dans le paysage médiatique italien, qui se fait généralement discret en la matière, quitte à paraître ambigu. “La Repubblica” avait clairement besoin de se reconnecter à une partie de ses lecteurs. Pour ce faire, ce quotidien a choisi de prendre position sur des enjeux sociaux en utilisant un ton ferme, voire provocateur, capable d’alimenter les conversations en ligne.
Nous n’aimons pas les noirs non plus
Découvrez la nouvelle Repubblica à partir du 14 mai dans les kiosques à journaux et en ligne.
La Repubblica hausse la voix
Les « noirs » auxquels le texte fait référence sont les prétendues « brigades néo-fascistes » (connues également sous le nom de « brigades noires »). Le ton est intentionnellement provocateur, ciblant ceux qui ne veulent pas de « noirs », c’est-à-dire de migrants, dans le pays.
Nous voulons également plus de murs
Découvrez la nouvelle Repubblica à partir du 14 mai dans les kiosques à journaux et en ligne.
La Repubblica hausse la voix
Les « murs » sont ceux qui doivent être reconstruits dans les villages italiens démolis par des séismes, contrairement aux autres murs érigés aux frontières de divers pays européens afin d’empêcher les migrants d’entrer.
Nous aussi, nous aimons les bulldozers
Découvrez la nouvelle Repubblica à partir du 14 mai dans les kiosques à journaux et en ligne.
La Repubblica hausse la voix
Les « bulldozers » sont ceux utilisés pour retirer les détritus des plages, et non ceux cités par un célèbre homme politique italien de droite, qui les évoque souvent pour symboliser l’ordre, la force et la propreté.
« Avec cette campagne, vendront-ils vraiment plus de journaux ? », pourrait-on se demander. Eh bien la réponse n’est ni affirmative ni négative ! C’est en réalité la question qui est mal formulée, car l’objectif de cette publicité n’est absolument pas d’augmenter les ventes, mais de réaffirmer des valeurs, de se reconnecter à son public, de montrer son sens des responsabilités et la conscience du rôle culturel et social joué par l’éditeur. À long terme, et justement parce que le but n’est pas de “vendre”, cette action contribuera peut-être au fait que “La Repubblica” sera préférée par une partie du lectorat, au détriment d’autres quotidiens, en raison de ses valeurs.
La bière Ceres : ironie sociale sur les réseaux sociaux
À l’époque où les réseaux sociaux ont commencé à émerger, lorsque les entreprises et les marques faisaient leurs premiers pas sur Facebook, Ceres se démarquait déjà dans le cœur du public. On reconnaît notamment à cette marque le mérite d’avoir intégré à sa communication d’entreprise des thèmes discutés de longue date : la politique, l’actualité et les conditions de travail. C’est durant cette période que la marque s’est illustrée en tant que pionnière en lançant une véritable campagne moderne d’appel au vote en Italie sur les supports numériques et imprimés (affichage).
Son titre ? « Prima si vota, poi si beve. Non come le altre volte. » (D’abord on vote, ensuite on boit. Pas comme les autres fois) Cette campagne marketing a été la première d’une longue série pour la marque de bière, qui a utilisé la publicité pour se prononcer en faveur ou en désaccord avec certains événements. Le ton est ironique, mais cette ironie est un moyen de s’exprimer avec courage sur des sujets délicats que d’autres entreprises hésitent à aborder.
Lorsque vous essayez de vous en tirer sans payer votre première Ceres en affirmant qu’elle était « numéro zéro ».
C’est le cas par exemple du récent commentaire controversé sur le “Mandato zéro” inventé par le Mouvement 5 étoiles. « Quando cerchi di non pagare la prima Ceres dicendo che era la numero zero » (Lorsque vous essayez de ne pas payer la première Ceres en affirmant que la première ne conte pas) peut-on lire sur une photo de barman à l’air menaçant. Elles se réfèrent au « mandat zéro » du Mouvement italien 5 étoiles. Ce parti, désormais représenté au Parlement et temporairement au sein du gouvernement, a d’abord déclaré que ses politiciens ne pouvaient pas être élus pour plus de deux mandats. Plus tard, contre toute attente, ils ont affirmé que le premier mandat au pouvoir « ne compterait pas » puisqu’il s’agissait d’une période dite d’acclimatation, la qualifiant de « mandat zéro ».
Sans grande surprise, l’annonce a été accueillie avec étonnement et dérision, compte tenu de l’apparente incohérence des modifications apportées aux règles au fur et à mesure. La marque Ceres se moque ouvertement de la situation, partant de l’idée qu’après avoir acheté votre première Ceres dans un bar, vous pourriez vous servir du prétexte de la « bière zéro » pour ne payer qu’à partir du prochain tour. Là encore, se demander si ce contenu sert ou non à “augmenter les ventes” traduit une incompréhension du paysage actuel de la communication.
Non, ce message n’a aucun but commercial en matière de ventes, il est simplement l’expression directe d’une marque qui, bien avant toutes les autres en Italie, a su décrypter les mutations de la société et toucher la sensibilité des nouvelles générations. Voilà pourquoi elle a choisi de se rapprocher de son public, en parfaite connaissance du rôle qu’une entreprise est aujourd’hui appelée à exercer dans la société. Et c’est justement ainsi qu’elle a peu à peu gagné la guerre de la réputation.
Les pompes funèbres Taffo et les boissons Skipper : le silence n’est pas d’or
Au fil des ans, de nombreuses autres marques ont suivi le chemin de Ceres. Parmi les pages Facebook les plus intéressantes en la matière, impossible de ne pas mentionner l’entreprise de pompes funèbres Taffo et les boissons Skipper de la marque Zuegg. Ces deux marques proposent chaque jour des contenus plus ou moins réussis, osés et engageants ayant un dénominateur commun : l’expression de valeurs et de responsabilité sociale en jouant la carte de l’ironie.
Avertissement :
Rappelez-vous que le MANDAT ZÉRO ne s’applique pas aux services funèbres. Vous n’y allez qu’une fois.
De même, Taffo, par son humour irrévérencieux, rappelle aux lecteurs que le service funèbre n’offre pas de « mandat zéro ». Par conséquent, vous ne pouvez pas modifier les règles au fur et à mesure, car un enterrement est « définitif » et ne peut être répété.
ACE – Aucuns préjugés ajoutés* Contient naturellement de l’amour et des fruits.
Pendant ce temps, Skipper, a choisi de promouvoir ouvertement l’événement Fierté LGBT en dotant son emballage de jus d’un design aux couleurs de l’arc-en-ciel et en y insérant les expressions « sans préjugés ajoutés » et « contient naturellement de l’amour et des fruits ».
Huawei : quand la publicité ne vend rien d’autre que des valeurs
Politique, société… mais pas seulement ! Il a quelque temps, Huawei a créé une publicité rappelant l’importance d’utiliser la technologie de manière responsable. Ce spot, long et intense, met en évidence les conséquences néfastes d’un usage inconsidéré des smartphones. Un contenu empathique, engageant et particulièrement intelligent du point de vue émotif, qui a pourtant suscité de la perplexité chez certains experts : « Mais pourquoi une publicité mettrait-elle en évidence les conséquences négatives d’un produit ? ».
Ce cas d’étude passionnant avec lequel nous conclurons cet article est l’occasion idéale de réfléchir aux implications de la communication dans le monde actuel. Tant que nous ne comprendrons pas le fait qu’une entreprise – petite ou grande – représente bien plus que de simples produits mis sur le marché, nous ne réussirons jamais à accepter qu’elle puisse (et doive) investir dans une communication de valeurs, de positionnement politique et d’implication dans des causes sociales. En revanche, si l’on admet que l’entreprise est désormais perçue comme une entité liée à la collectivité et responsable de ses choix, alors il devient beaucoup plus facile de comprendre pourquoi la publicité peut (et doit !), souvent et aisément, parler de valeurs plus que de produits.